Il y a une semaine, jour pour jour, quatre millions et soixante et un mille 375 tunisiens se déplaçaient pour voter pour la première fois de leur vie. Ils votaient avec ferveur, rangés dans de longues files d’attentes, sous un soleil brûlant. L’exercice de la démocratie par le peuple avait une allure de fête. Une fête remarquablement organisée par une instance magique sortie du chapeau de la Tunisie des miracles, l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE) conduite avec maestria par le non moins remarquable Kamel Jendoubi. Ce moment nous paraît maintenant si lointain. Avant d’écrire ces mots, je me demandais si c’était bien dimanche dernier, les élections, ou bien deux ou trois semaines avant … Non , c’était bien le 23 octobre, jour mémorable de l’Histoire de la Tunisie et on est aujourd’hui le 30 octobre ! Pourquoi ai-je le sentiment que c’est si loin derrière ? C’est certainement du à la densité des événements depuis ce jour là et à la succession et la diversité des émotions et des analyses échangées durant la semaine écoulée. Au renversement total du paysage politique du pays aussi.  Ennahdha sort vainqueur des élections. Sans toutefois une majorité, ni parmi les votants potentiels, ni parmi les voix exprimées, ni dans l’assemblée constituante. Ettajdid , le plus vieux parti participant à ce scrutin et avec lui le pôle démocratique et progressiste sont complètement laminés par les électeurs qui n’accordent que cinq sièges au pôle dont deux à Ettajdid. Le Parti Démocratique Progressiste (PDP) qui se positionnait comme la première et au pire la seconde force politique du pays se trouve derrière deux partis moins nantis en hommes et en moyens : Ettakattol de Mustapha Ben Jaafar et le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki. Ces deux partis ont réalisé un score inédit qui récompense un militantisme sous la dictature auquel la révolution du 14 janvier n’a rien changé. En effet, la sincérité de leurs leaders et la  fidélité à leurs lignes politiques respectives après le succès de la révolution du 14 janvier a eu un impact positif sur l’adhésion des électeurs à leurs approches. Après la déconfiture dupôle démocratique et progressiste et la descente aux enfers du PDP, ces deux partis représentent désormais le pivot central du paysage politique tunisien et un recours ultime pour tous ceux qui ont des réserves sur la gestion des affaires du pays par un parti islamiste.

Aujourd’hui, dimanche 30 octobre, la Tunisie se réveille sous la pluie. C’est le ciel qui vote. C’est certainement de bon augure dans un pays qui reste, malgré les avancées dans l’industrie, le tourisme et les services, un pays agricole. Il pleut sur une Tunisie qui cherche sa voie sur le plan politique. Le discours rassurant, parfois trop rassurant d’Ennahdha, laisse beaucoup de Tunisiens perplexes. C’est qu’on a déjà servi au Tunisien, il y a tout juste 24 années,  des discours rassurants et rassembleurs, pour, par la suite, installer la plus hideuse des dictatures. Aujourd’hui, nous attendons des garanties pour que le choix d’une gouvernance démocratique soit irréversible et inviolable. C’est là la clé pour instaurer un climat de confiance tant au sein de la classe politique qu’au niveau des citoyens. C’est la le nouveau défi à soulever par tous. Pour que chaque jour soit une fête de la démocratie, aussi beau que le 23 octobre 2011.

By RL

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