(suite de la réflexion du 16 avril)
Les ressorts de la volonté populaire qui a provoqué la chute de Ben Ali.
Ben Ali est arrivé au pouvoir en démettant le leader Habib Bourguiba de ses fonctions de chef de l’Etat. De formation militaire et policière, son ascension politique est essentiellement liée à la lutte contre l’intégrisme islamique qui est apparu pendant les années 80. Son régime, né dans la lutte anti-intégriste, a pu se maintenir grâce au soutien occidental. Après les dix premières années pendant lesquelles il a assis son autorité, son régime qui commençait à s’essouffler, reçut un nouvel élan inespéré avec les attentats du 11 septembre qui ont entrainé une mobilisation mondiale contre le terrorisme à teinte islamiste. Plus encore, Ben Ali eut l’occasion de se prévaloir de son succès face à l’intégrisme islamique en Tunisie. Dans ce contexte, Ben Ali eut les mains libres pour modeler le système de gouvernement de la Tunisie à sa guise.
Quel résultat 23 ans après son accès à la présidence du pays ?
Le régime tissé par Ben Ali portait en lui les détonateurs qui ont conduit à sa chute. Ainsi, construit autour du népotisme et de la corruption, ce régime a fini par semer l’exaspération dans toutes les couches de la population, des plus démunies aux plus nanties. Contrôlant fermement l’espace politique et associatif grâce, d’une part, à un parti unique étroitement contrôlé, à des partis politiques de décor et à un tissu associatif satellitaire et, d’autre part, à ses organes sécuritaires qui traitaient ses opposants politiques soit par l’intimidation et la répression soit en tentant de les corrompe, Ben Ali a étouffé toute initiative d’organisation politique ou associative libre. Sur le plan économique, le climat des affaires créé par le clan Ben Ali a détruit la confiance des investisseurs locaux et dissuadé un grand nombre d’investisseurs étrangers, induisant une perte de croissance économique, un grave déséquilibre régional et augmentant de manière catastrophique le taux de chômage des jeunes. De plus, parmi les demandeurs d’emploi, les diplômés de l’enseignement supérieurs ne cessaient d’augmenter d’année en année en raison, d’une part, de l’impasse économique et, d’autre part, de la politique éducative sciemment orientée vers la facilitation de l’obtention du baccalauréat et de l’accès aux études d’enseignement supérieur dans le but d’amadouer les familles tunisiennes férues de l’éducation de leurs enfants. Pourtant, si l’on se fie au témoignage de Amor Chadli dans l’ouvrage qu’il vient de publier « Bourguiba, tel que je l’ai connu », Abdelaziz Ben Dhia, a déjà tiré la sonnette d’alarme en 1985 sur l’état de l’université tunisienne, alors qu’il était ministre de l’enseignement supérieur depuis 7 ans. Dans un rapport à ce sujet, il a constaté la baisse grave du niveau des étudiants et proposé d’instaurer un concours d’accès à l’enseignement supérieur après le baccalauréat.
L’ensemble de ces éléments accumulés en 23 ans de pouvoir absolu a constitué le détonateur de l’explosion populaire contre le pouvoir du dictateur corrompu.
La révolution a donc été provoquée par une volonté populaire.