Entre le 18 et le 25 novembre, les classes fermées sont passées de 4 000 à 8 890, rendant très concrète la cinquième vague de la pandémie pour parents et enseignants.

Les visages des parents se sont tendus devant les écoles primaires ces derniers jours. Ils scrutent de nouveau tous les matins les panneaux d’affichage et s’inquiètent de tout message envoyé par le directeur. Et ce dernier tressaille à chaque nouveau mail de parents qui pourrait lui annoncer un cas de Covid-19 parmi ses élèves.
Jusqu’à ce jeudi 25 novembre et le changement de protocole annoncé par Jean-Michel Blanquer, la règle était simple : un élève positif et toute la classe rentrait à la maison pour sept jours. La machine s’est subitement emballée avec le début de la cinquième vague de l’épidémie. Ces fermetures sont passées de 4 000 à 8 890 entre le 18 et le 25 novembre. Ainsi, 180 000 familles ont subi cette hausse, a estimé le ministre de l’éducation nationale.Lire aussi Article réservé à nos abonnésCovid-19 : à l’école primaire, le protocole sanitaire va être assoupli pour limiter les fermetures de classes
Pour y remédier, il a annoncé un nouveau dispositif : des tests seront déployés pour toute la classe si un élève est positif, plutôt que d’engager une fermeture pour sept jours, et ses camarades négatifs pourront reprendre immédiatement les cours. Si une moindre circulation du virus reste à prouver avec la mise en place de cette mesure, elle baissera mécaniquement le nombre d’élèves en quarantaine.
L’ampleur et la rapidité des fermetures de classes en cette mi-novembre ont surpris. « On n’avait jamais connu ça », relatent parents comme enseignants. Jusqu’au printemps 2021, il fallait, en effet, trois cas positifs dans une classe pour entraîner une fermeture.
Tous les territoires sont touchés
A Paris, les classes fermées sont passées de 134 à 356 en une semaine, indique la Mairie. L’école du 12-14, rue d’Alésia, dans le 14e arrondissement, a ainsi vécu des fermetures en cascade pour arriver à douze classes sur dix-sept fermées en début de semaine. « On a fait un tableau Excel pour suivre la situation. On finissait par s’y perdre entre les dates de fermeture, de réouverture, de refermeture… », raconte Laetitia Jayet, représentante des parents d’élèves et dont la fille est en CM1 dans cet établissement.
La vague de fermetures a touché tous les territoires. Dans l’Hérault, Philippe Alberge, directeur d’école et représentant départemental du SE-UNSA, n’avait encore jamais été confronté à une fermeture de classe depuis le début de la pandémie, hors confinement. Il y en a eu deux, l’une en CE2 et l’autre en CM1, coup sur coup depuis le 18 novembre dans son établissement. « Les parents sont inquiets et on ne sait pas toujours leur répondre. Quel est le seuil pour fermer complètement une école ? Je n’en sais rien », se désespère-t-il.Lire aussi Vaccination, passe sanitaire, masque dans les lieux fermés… Les annonces d’Olivier Véran pour faire face à la cinquième vague de Covid-19
Du côté des familles, l’heure de la débrouille a de nouveau sonné. Déposer les enfants chez les grands-parents ? S’entraider entre parents d’élèves d’une même classe ? Laisser les enfants les plus grands en autonomie ? Chacun a fait comme il a pu. S’ils ne peuvent pas faire de télétravail, ils peuvent toujours bénéficier du dispositif d’activité partielle, d’arrêt de travail sans jour de carence ou d’autorisation spéciale d’absence pour garde d’enfants.
La situation n’en reste pas moins complexe. « Les parents ont appris à gérer mais on sent une extrême lassitude face à cette incertitude permanente », constate Laurent Zameczkowski, de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP).
« Je me demande comment on a fait lors du premier confinement avec les trois enfants et nos deux jobs », s’interroge pour sa part Cécile (qui n’a pas souhaité donner son nom), dont la fille de 8 ans, cas contact, vient de passer une semaine d’école à la maison. « Je n’ai même pas prévenu les ressources humaines de mon entreprise. J’ai eu un accord tacite de ma hiérarchie pour rester une semaine en télétravail », relate-t-elle. Anaïs (le prénom a été changé) ne bénéficie pas de la même compréhension. « Je dois expliquer à mes chefs que même en télétravail, présenter un rapport important en visioconférence avec en fond sonore le dessin animé “La Pat’Patrouille”, ce n’est pas facile », relate cette cadre de la fonction publique, mère de deux enfants de 6 et 9 ans. L’aînée a contracté le Covid-19 après avoir été cas contact à l’école.
La crainte d’absences en cascade
Johanna Cornou, directrice d’une école de onze classes au Havre (Seine-Maritime) et représentante du SE-UNSA, a, elle aussi, l’impression d’avoir pris la vague de plein fouet. Via une campagne de tests salivaires, un cas positif a été détecté dans une classe de CM1 aussitôt fermée et trente élèves cas contacts ont été renvoyés chez eux.Lire le décryptage : Faut-il vacciner les enfants de moins de 12 ans ? Le point sur ce que l’on sait des bénéfices et des risques
« Je n’arrive même plus à réfléchir. J’ai fait soixante-douze heures de travail la semaine dernière. C’est la première fois que j’ai à gérer autant de cas en si peu de temps dans mon établissement », assure, stressée, la directrice. « La grogne monte mais je peux le comprendre. Les parents ne comprennent pas toujours le protocole sanitaire et le remettent en question », se désole-t-elle.
Parmi les parents de cette classe fermée, plusieurs exercent le métier d’enseignants. Ils doivent donc garder leur progéniture… Et ne pas être à leur tour devant leurs élèves. Des absences en cascade que redoute la communauté éducative, tant le vivier de remplaçants est déjà au plus bas. Mme Cornou se sent un peu « perdue » après cette folle semaine : « Je ne sais plus quelles mesures sont pertinentes : le statu quo, un allègement du protocole, la vaccination des plus jeunes ? C’est un vrai casse-tête. On est obligé de choisir un moindre mal. »