« Toute personne de (haut) rang (jâh) et de grand crédit est, à tout point de vue, plus fortunée et plus riche qu’un simple particulier. En effet, la première est servie par le travail des autres, qui veulent se rapprocher d’elle pour devenir ses protégés. Tout le monde l’aide par son travail, pour satisfaire ses besoins et combler ses désirs. Le prix de tout ce travail constitue son profit. Pour des tâches qui sont généralement payantes, l’homme puissant ne donne, le plus souvent, rien du tout. D’un autre côté, il ramasse la valeur des produits d’un travail qui ne lui coûte rien, et de l’autre, il n’a pas à payer pour se procurer le nécessaire. Son influence lui permet de s’enrichir à peu de frais. Le temps passe et sa fortune augmente. C’est ainsi qu’on peut vivre de l’exercice du pouvoir (imâra).
Au contraire, celui qui a de l’argent, mais aucune influence, ne gagne davantage qu’en proportion de son capital et de ses efforts pour le faire valoir. C’est le cas de la plupart des négociants : ceux qui sont considérés sont beaucoup plus riches que les autres. Une preuve à l’appui de tout cela se voit dans la situation de bien des juristes et des dévots de grande réputation. Le peuple croit servir Dieu en leur faisant des cadeaux, en les aidant dans leurs affaires, en travaillant pour eux. Le résultat est que ces pieuses gens s’enrichissent rapidement, sans rien posséder au départ, uniquement en tirant profit du travail des autres. Nous en avons vu bien des exemples, en ville comme à la campagne. Les gens travaillent et commercent pour ces (saints) personnages, lesquels restent assis, tranquillement (à ne rien faire). En attendant, ils s’enrichissent sans le moindre effort, à la grande surprise de ceux qui ignorent comment vont les choses. Car « Dieu donne, sans compter, sa subsistance à qui Lui plait » (II,212)