1- À l’orée de l’indépendance, l’UGTT a joué le rôle de boîte à idées pour le gouvernement de ce que l’on peut appeler maintenant la première République. Ainsi, ce sont les programmes mûrement réfléchis au sein de l’UGTT qui ont été déployés notamment pour réformer l’éducation, l’économie et plus généralement la société. Et c’est à des syndicalistes, en l’occurrence Mahmoud Messaadi et Ahmed Ben Salah qu’a été confiée la responsabilité de mener les réformes dans ces secteurs. L’on peut aisément comprendre cette démarche, puisque l’UGTT constituait, d’une certaine manière, le bras économique et social de la lutte anti-coloniale ; le Parti Socialiste Destourien en constituant le bras politique. La solidarité et la complémentarité de ces deux piliers de la société tunisienne de la période coloniale ont ainsi été orientées , une fois l’indépendance acquise, vers la construction de l’État tunisien moderne. Aujourd’hui, on ne peut qu’être admiratif du travail de fond accompli au sein de l’UGTT pour imaginer les plans de développement d’une Tunisie qui aspirait à l’indépendance et menait encore une lutte âpre dans ce sens menée d’une main de maître par un certain Habib Bourguiba. Et l’on peut parfaitement comprendre que le PSD, entièrement absorbé par cette lutte pour l’indépendance, ne puisse pas en même temps élaborer une feuille de route pour son développement futur … Ainsi, les rôles furent parfaitement partagés, et, une fois indépendante, la Tunisie pût profiter des fruits des réflexions menées au sein de la centrale syndicale pour entamer une autre lutte, celle de la construction d’un pays moderne, ce que Bourguiba n’hésitait pas à appeler « Al Jihad Al Akbar » ou » la lutte suprême » …
2- Aujourd’hui, on parle de deuxième République. La deuxième République, dont tout le monde se réjouit, est souvent vue sous l’angle politique et parfois réduite à cette unique composante. Elle serait alors assimilée à une démocratisation de la vie politique par l’introduction du pluralisme, la séparation des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, la libération de l’expression et la mise en place des différentes institutions qui garantissent tout cela. Ce volet politique, si l’on fait une comparaison avec la situation qui a vu naître la première République, corresponde au passage de la situation de protectorat à celle de République indépendante. Mais alors, sans des réformes économiques et sociales, analogues à celle qui ont été menées à l’orée de l’indépendance, la mise en place de cette seconde République resterait inachevée. D’autant plus, que d’aucuns répètent à satiété que le principal ressort des événements qui ont provoqué les changements qui ont abouti à cette seconde République sont d’ordre économique été social. Et le principal handicap du premier gouvernement de cette seconde République est l’absence de programmes mûrement réfléchis permettant de mener des réformes révolutionnaires. À la décharge du parti leader, Nidaa, l’on peut imputer l’absence de tels programmes à la vie assez courte, deux années, de ce parti. Deux années où, parti du néant, ce parti a réussi le miracle de rassembler une majorité de Tunisiens face au péril islamiste et barrer ainsi la route à ceux qui voulaient rejeter la Tunisie dans les ténèbres du moyen âge. Mais alors, l’UGTT n’a-elle rien à proposer ? Elle est pourtant dotée d’un centre d’études. De toute façon, le Tunisien est en droit aujourd’hui de demander aux membres de ce gouvernement : où sont vos programmes pour vos secteurs respectifs ?