Vincent Monteil, dans une introduction à Al-Muquaddima, écrit à propose d’Ibn Khaldûn :
Ibn Khaldûn est bien un « génie », c’est à dire un de ces êtres à l’intuition sans égale, qui bondissent là où les autres rampent. Qu’il soit musulman n’est pas sans importance : comme l’a bien vu Maxime Rodinson (1966, p.112), le Coran est un livre plus « rationaliste » que les deux Testaments, et il « exhorte (plus) nettement à une orientation active dans le vie individuelle et sociale ».
Ce qu’Ibn Khaldûn nous apporte aujourd’hui, c’est peut-être, finalememnt, son absence de dogmatisme. Bien sûr, c’est un Cadi, il vit au XIVème siècle, il ne peut s’amputer de son milieu ; mais il reste qu’il a, pour les questions qui se posent à lui, qui se posenty encore à nous, ce sens du concret, cette prise sur le réel qui nous est plus que jamais nécessaire. Il est, à cet égart, pouquoi ne pas le dire, un de ces hommes trop rares – dont le général De Gaulle est le plus récent et le plus éclatant exemple – qui agissent par la parole aussi bien que par les gestes, qui obligent les hommes et les faits à se définir.
En 1962, le sociologue iraquien Ali Wardi écrivait que, sur les idées d’Ibn Khaldûn, pourrait se fonder une sociologie arabe. On peut aller plus loin, semble-t-il, et ses demander si l’apport original d’Ibn Khaldûn au monde arabe, ce n’est pas surtout cette prise de conscience d’une société qui cherche sa voie – ses chemins de la liberté – et qui ne peut la trouver qu’en s’approfondissant et en se dépassant elle-même. Ne nous invite-t-elle pas dans sa Muquaddima, à reconnaître « la puisssance irrésistible de la Vérité » (الحقيقة لا تقاوم).