L’alliance des dictatures ou quand Bourguiba se retourne dans sa tombe

Quand on examine, rétrospectivement,  ce qui se tramait dans le camp des dictatures du sud de la méditerranée, on observe qu’une solidarité s’établissait entre elles face à un occident constamment accusé d’ingérence et d’atteinte à la souveraineté nationale de leurs pays dès lors qu’il est question de respect des droits de l’homme. Ainsi, en novembre 2009,  en réponse  à des critiques européennes du régime de Ben Ali suite à l’arrestation d’un journaliste tunisien,  le peuple  tunisien a eu droit à un discours de la part de son président où il annonçait, comme l’a relaté le journal d’information en ligne Mediapart([1]), que: « son pays avait saisi l’Union du Maghreb arabe et l’Union africaine contre une «ingérence dans ses affaires intérieures» et «atteintes à sa souveraineté». …  Et c’est sans surprise que dans cette affaire où l’autre Raïs, le libyen, le colonel Kadhafi vient en soutien du frère Ben Ali. Kadhafi le fait en plus au nom du conseil de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), de l’Union Africaine (UA) et de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD), dont il assure la présidence tournante, et qui se dit «scandalisé, préoccupé face à l’ampleur attribuée par des parties étrangères à une affaire banale concernant une altercation entre deux personnes en Tunisie, comme si ces parties étaient responsables des citoyens dans les Etats africains et arabes».

La Tunisie fait appel au soutien de Kadhafi contre l’occident ! Bourguiba devait se retourner dans sa tombe ! Cette dérive de la diplomatie tunisienne était révélatrice du tournant pris par le régime. Et cette dérive est d’autant plus douloureuse que le peuple tunisien se rappelle la leçon magistrale administrée par Bourguiba au colonel libyen un certain 15 décembre 1972. Ce jour là, lors d’une visite à Tunis,  Kadhafi, dans l’espoir d’enrôler la Tunisie à un projet d’union arabe, prononce un discours surprise dans la grande salle de cinéma Le Palmarium abritant plus de 2 000 personnes. Bourguiba, qui écoute ce discours à la radio, depuis le palais présidentiel de Carthage, se précipite au rassemblement pour répliquer. Arrivé en catastrophe à la tribune il explique publiquement à Kadhafi qu’il ne sert à rien de chercher une union arabe illusoire et de vilipender vainement une puissance telle que les Etats-Unis d’Amérique qui peut à tout moment lui donner une raclée, insistant sur la nécessité pour les dirigeants des pays arabes de commencer par renforcer l’éducation de leurs peuples et par la maîtrise de la science et de la technologie qui constituent le fondement de la puissance des nations.

En fait, les événements des derniers jours du régime de Ben Ali et les hommages qui revenaient dans ses discours au soutien du dictateur voisin montraient que la dérive diplomatique n’était que la partie visible d’une solide complicité des deux dictateurs. Le regret exprimé par Kadhafi après la chute de Ben Ali n’a alors plus rien d’étonnant. Ce regret préparait peut-être le terrain à une autre aventure extraterritoriale du dictateur éploré par la chute de son ami. Il trahissait, de toute façon, la crainte d’une contagion qui ne tarda pas à apparaitre en Libye.

By RL

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